En avril ne te découvre pas d'un fil! C'est bien le cas en ce mois d'avril 2013, mais les conditions météo n'ont pas découragé Jean-Pierre qui a retrouvé " goupil"
La journée m'a semblé bien longue pour une fois. C'est vrai que j'ai eu un sommeil agité. Ce n'est pas qu'il fait très froid dans ce terrier, la température est quasiment la même été comme hiver. Non, c'est plutôt la faim qui me tenaille. La nuit précédente était si ventée et glaciale que je me suis épuisé sur plus de dix kilomètres pour rentrer finalement bredouille. En désespoir de cause, j'aurais bien boulotté de simples vers de terre mais même eux sont restés retranchés sous cette croûte de terre gelée. Ce soir par contre, il faudra assurer ! Un lièvre serait l'idéal, un lapin ou une perdrix... Miam, miam... Au lieu de rêver, je ferais mieux de me mettre en chasse pour le trouver ce dîner ! Avant de sortir, j'écoute les bruits alentour et je m'approche de la sortie pour humer d'éventuels effluves suspects. Rien d'anormal... Alors, pas d'hésitation, je m'élance et en quelques bonds je m'éloigne rapidement de ma tanière. Brrr ! Quel froid ! Ma fourrure a beau s'être étoffée pour la mauvaise saison, mon pauvre museau n'est pas protégé, lui. Il n'y a pratiquement pas de vent ce soir, juste un léger souffle idéal pour me transmettre l'odeur de proies éventuelles. Côté ennemis, je n'ai pas grand chose à craindre puisque mes prédateurs naturels (loup, lynx ou aigle royal) ont été exterminés par l'homme. La nuit, le principal risque, ce sont les voitures quand je traverse une route... Allez ! Que la chasse commence ! Et au trot s'il vous plaît ! Gracieuse démarche n'est-ce pas ? Regardez bien. C'est un de mes points forts : d'un coup d'œil, je sais où poser mes pattes avants pour ne pas faire craquer la moindre brindille, et comme les pattes arrières prennent le même emplacement au pas suivant, cela me permet d'avancer silencieusement. Et je fais cela sans même y réfléchir, c'est ça la classe... Bon, voilà une heure que je suis dans ce bois et je n'ai toujours rien pu me mettre sous la dent. Si ça continue, je vais tenter une incursion en ville pour faire les poubelles. En attendant, je vais m'approcher de la lisière et peut-être faire un tour dans les pâtures. Oh ! Oh ! Un bruit de feuilles froissées à cinq mètres. Tous les sens en éveil, je m'approche doucement... quatre mètres... trois mètres... Identification faite. Objectif : campagnol. Activité en cours : recherche de glands. Tactique d'attaque : méthode habituelle éprouvée. Deux mètres... Encore un petit peu... Je me concentre... D'un bond, je m'élève et me laisse retomber sur l'infortuné campagnol. Bien sûr, je le dévore sur-le-champ pour calmer mon pauvre estomac, mais je ne suis pas rassasié pour autant. Heureusement, la chance me sourit sur cette lisière et je capture encore trois campagnols en moins de deux heures. J'aurais d'ailleurs bien continué un peu, en prévision de jours moins fastes mais depuis quelques minutes, je n'ai plus le cœur à ça. Ce n'est pas une odeur qui m'a troublé mais un cri. Un aboiement tout proche. Non ! Pas une menace. Un appel... Eh oui, pour nous autres renards, la saison des amours se déroule au cœur de l'hiver. Alors, si une petite renarde a besoin de tendresse près d'ici, je vais me dépêcher de la rejoindre... C'est parti. Je coure, je vole. Je lance à mon tour de longs hurlements pour signaler ma présence, auxquels elle répond avec impatience. Au bout d'un moment, nous nous retrouvons face à face dans une clairière. Nous nous voyons pour la première fois mais son odeur m'est pourtant familière. Plusieurs fois déjà je l'ai repérée aux frontières de mon territoire... Je savais bien qu'elle laissait volontairement son parfum sur ses points de passage habituels mais à chaque fois, je l'ai attendue en vain. Enfin, ce soir, c'est la rencontre. J'approche doucement. D'abord un peu timides, nous avançons côte à côte et rejoignons le sous-bois. Espiègle, ma promise fait mine de s'enfuir. Évidemment je la poursuis et au bout d'une centaine de mètres, elle se laisse rattraper. Mais ce n'est que pour repartir de plus belle et nous jouons longtemps ainsi. De temps en temps, nous nous allongeons pour reprendre haleine et ce sont autant d'occasions pour nous câliner mutuellement. Mais la nuit touche à sa fin. Il faut songer à regagner un terrier où s'abriter pour la journée à venir. Vais-je regagner ma tanière de vieux garçon ? Oh non ! Ce matin, je ne suis plus seul. Ma compagne a déjà en vue un vieux terrier de blaireaux assez vaste pour élever toute la famille au printemps... Mais ça c'est une autre histoire.