Comment ne pas se sentir bien dans un tel site et sous un beau soleil de fin septembre
Du pressoir ancien à la presse mécanique un talus de séparation mais des années d'évolution.
Les artistes, peintres et poètes, ont bien souvent embelli l'image de ces femmes du peuple en les présentant dans un cadre romantique et des paysages magnifiés. Leur condition sociale et matérielle était dans la plupart des cas difficile : les femmes devaient, tout en lavant, s'occuper de leurs plus jeunes enfants, leurs mains étaient très souvent abîmées pour avoir trempé trop longtemps et trop fréquemment dans l'eau bouillante ou au contraire dans l'eau parfois glacée des lavoirs.
Comme il arrivait devant la petite haie de prunelliers qui conduit au lavoir, il aperçut deux femmes blanches qui étendaient du linge sur les buissons.
"Sur ma vie ! Voilà des jeunes filles qui n’ont pas peur du serein, dit-il. Pourquoi êtes-vous si tard dans la prairie, mes petites
colombes ?
Nous lavons, nous séchons, nous cousons ! répondirent les deux femmes en même temps.
Quoi donc ? demanda le jeune homme.
Le linceul du mort qui parle et qui marche encore.
Un mort ! Pardieu ! Vous me direz son nom.
Wilherm Postik."
Le garçon rit plus fort que la première fois, et descendit le petit chemin raboteux. Mais à mesure qu’il avançait il entendait plus distinctement les coups de battoirs des lavandières de nuit sur les pierres de la douéz ; et bientôt il les aperçut elles-mêmes, frappant leurs draps mortuaires, en chantant le triste refrain :
Si chrétien ne vient nous sauver
Jusqu’au jugement faut laver.
Au clair de lune, au bruit du vent.
Sous la neige, le linceul blanc.
Dès qu’elles aperçurent le joyeux compagnon, toutes accoururent avec de grands cris, en lui présentant leurs suaires et lui criant de le tordre pour en faire sortir l’eau.
"Un petit service ne se refuse pas entre amis, répondit Wilherm gaiement ; mais chacune son tour, les belles lavandières, un homme n’a que deux mains, pour tordre comme pour embrasser."
Il déposa alors son bâton et prit le bout du drap mortuaire que lui présentait une des mortes, en ayant soin de tordre du même côté qu’elle, car il avait appris des anciens que c’était le seul moyen de ne pas être brisé.
Mais pendant que le linceul tournait ainsi, voilà que d’autres lavandières entourent Wilherm, qui reconnut sa tante et sa femme, sa mère et ses soeurs. Toutes criaient :
"Mille malheurs à qui laisse brûler les siens dans l’enfer ! Mille malheurs !"
Et elles secouaient leurs cheveux épars, en levant leurs battoirs blancs et, à toutes les douéz de la vallée, le long de toutes les haies, au haut de toutes les landes, des voix répétaient :
"Mille malheurs ! Mille malheurs !"
Wilherm, hors de lui, sentit ses cheveux se dresser sur sa tête ; dans son trouble, il oublia la précaution prise jusqu’alors et se mit à tordre de l’autre côté. A l’instant même le linceul serra ses mains, comme un étau, et il tomba broyé par les bras de fer de la lavandière.
En passant au point du jour près de la douéz, une jeune fille d’Henvik, nommée Fantik ar Fur, s’arrêta pour mettre une branche de houx dans son pot de lait frais tiré et aperçut Wilherm étendu sur les pierres blanches. Elle crut que le vin de feu l’avait abattu là, et elle s’approcha, avec un brin de jonc, pour l’éveiller ; mais, voyant qu’il restait immobile, l’enfant prit peur et courut au village, pour avertir. On vint avec le recteur, le sonneur de cloches et le notaire, qui était maire de l’endroit ; le corps fut relevé et placé sur une charrette à boeufs ; mais les cierges bénits que l’on voulut allumer s’éteignirent toujours, ce qui fit comprendre que Wilherm Postik était acquis à la damnation. Aussi son corps fut-il déposé en dehors du cimetière, sous l’échalier de pierre, là où s’arrêtent les chiens et les mécréants.
Vous y croyez-vous à ces légendes ?
Fin de soirée aux crêpes